mardi 10 février 2015

La boutique

 
Une personne, c'est comme une boutique.
Elle a une devanture, un intérieur, une arrière-boutique.

La devanture est ce qui se voit du premier coup d'oeil.
Elle peut se modifier selon le temps qui passe, soit par choix, soit par nécessité.
En vieillissant, la peinture extérieure peut se ternir ou se patiner, s'effriter ou discrètement se craqueler. Mais par quel mystère cela va-t-il pencher d'un côté ou de l'autre ? Une hypothèse serait de dire que si la vitrine évolue avec le temps, accepte, accueille les événements et les intempéries, elle vieillira "joliment", tandis que si elle s'oppose, résiste, lutte, l'effort se lira profondément sur le bois qui la façonne.
Etant donné son exposition, la devanture est ce qui donne envie au chaland* d'y entrer ou non. Selon ce qu'elle va montrer, il passera devant sans la voir, ou alors s'arrêtera pour y jeter un oeil et repartir, ou encore entrera, timidement ou en conquérant, gagné par la cusriosité et l'attraction exercées sur lui.
Parfois, attiré par un éclat global, ce qu'il aura vu de loin lui fera traverser la rue, puis, arrivé devant, il repartira un peu déçu, ne trouvant pas dans la vitrine ce qu'il pensait y avoir vu.
Entre ce qu'elle montre, consciemment ou pas, et ce que l'on croit y voir, la devanture est donc le premier contact vers l'extérieur.

Et puis en voilà l'intérieur, de cette boutique, ce qui la constitue. C'est ce qu'elle "est". C'est ce qu'elle souhaite être, peut-être. Et c'est parfois également ce qu'elle n'est plus.
En effet, elle a sur le comptoir des articles bien actuels qui se vendent assez bien, certains qui se vendent moins bien car pas assez mis en valeurs ou pas assez "authentiques", et il peut lui arriver d'entasser tellement de choses qu'elle n'a plus souvenir que certaines lui sont devenues obsolètes, et celles-ci, poussiéreuses, se voient reléguées à l'étagère tout en haut du plus haut des présentoirs.
Et puis le voilà, celui qui entre dans la boutique, soit parce qu'il a éré attiré par la vitrine, soit parce qu'on lui a dit que c'est là qu'il pourrait trouver l'article qui l'intéresse. Il va y découvrir une multitude (ou pas), d'objets qu'il connaît (ou pas), qui constituent un ensemble homogène (ou pas). Il y glanera des choses qui l'intéressent, en choisira avec passion, tendresse, en effleurera, en contemplera, en rejettera, en cassera même parfois.
Et en fonction, le boutiquier les vendra, les mettra davantage en avant, les changera, les réparera, les jettera, ou encore, les abandonnera.


Pour ce qui est de l'arrière-boutique, sauf cas rares, elle n'est pas accessible au chaland. Elle est utilisée par le propriétaire de la boutique en cas de nécessité et il y est entreposé un peu de stock, de quoi faire le ménage ou se sustenter.
Tout ça ne se voit pas et pourtant, agit au quotidien sur la boutique, fait qu'on va y trouver un article plutôt qu'un autre, une décoration particulière...
Et puis elle recèle surtout un trésor.
Tout au fond du fond, dans un petit coin caché, il y a une lueur. Il y a cette petite pierre précieuse qui brille et donne à la boutique tout son éclat, celui qui se voit parfois même dès la devanture.
Elle est tellement bien cachée sous les piles de cartons qu'on la voit peu, voire pas du tout. On ne sait pas que c'est elle qui donne à la boutique sa raison d'être, sa profondeur, et pourtant elle est là.
Elle est toujours belle et puissante. Toujours.
Or, la poussière, les cartons, les différentes interactions avec le chaland pourront parfois avoir éloigné son rayonnement de la boutique.
Et parfois, son propriétaire doute de sa beauté.

Et parfois, son propriétaire doute de sa présence.
Et pourtant, s'il s'approche un peu plus près, il ressent sa douceur, sa puissance.
Et s'il s'approche encore plus près, il sent la chaleur qui s'en dégage.
Et quand il la touche enfin, il est doucement envahi par ce qu'elle contient, cette âme parfaite connectée à l'Amour.

Qui que l'on soit, où que l'on soit, la première chose que l'on voit, c'est toujours la devanture. Et parfois on ne va pas s'arrêter, jugeant que vraiment, non, cette devanture n'est pas assez intéressante, trop craquelée, pas assez reluisante.
Et pourtant, si on entrait juste pour voir, on se rendrait compte qu'une douce atmosphère règne dans le magasin.
On se rendrait compte que malgré les apparences extérieures, malgré les articles décalés qu'on pourrait y trouver, une âme magnifique en est l'essence.

Parfois, d'ailleurs, on pourrait même s'y trouver... Soi.




*Petit précis de vocabulaire embarqué
Achalandé : vient de chaland (client), et lorsqu'un magasin l'est bien, c'est qu'il a plein de clients. Un abus de langage a fait glisser la définition vers "achalandé = approvisionné".

La boutique qui est bien achalandée, donc, a beaucoup de clients, et non pas plein de trucs à vendre.

1 commentaire:

  1. Bon évidemment tu n'as pas choisi une photo d'un antiquaire ou d'un garage auto pour agrémenter ton billet du jour. Mais tu as bien choisi un resto... belle devanture au demeurant ! Faut il y voir quelques messages... ;-)
    Quoi qu'il en soit, je me suis encore éclaté à lire cette page de la revue psychologie et reboost pour les nuls, revue que je ne lirais pas si des extraits choisis n'étaient pas sur le blog dAbra...
    Encore merci pélo.
    Et surtout continue !!!!!

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