mardi 18 août 2015

Groove is in the heart

On fabrique soi-même la couleur de ses lunettes.

Parfois, les verres sont noirs, parfois gris, parfois roses... Et parfois multicolores.
Et que voit-on, dans ses lunettes ? Eh bien la réalité teintée de la même couleur.
Et qu'est-ce qui t'empêche de changer la couleur de tes lunettes ? Eh bien toi, pardi !
Ben oui ! Toi !
Alors oui, tu vas me dire, lorsque ton compte est à sec, que tu vas subir une troisième amputation de la jambe droite et que ta vie sentimentale ressemble à s'y méprendre à un espace sablonneux du nord de l'Afrique, changer de couleur de lunettes s'avère laborieux. Certes. Mais j'ai la fâcheuse manie de penser que cela reste néanmoins possible.

L'autre jour, en regardant "Le Petit Prince", le film de Mark Osborne, inspiré du conte magnifique de Saint-Exupéry que j'ai lu trois fois, j'ai repris une petite droite dans la mâchoire, un petit uppercut bien placé sous le menton, avec, pour finir, un petit mawashi-geri dans l'estomac.
Non, t'inquiète, ce film n'est pas dangereux, tu peux y aller... Mais prépare-toi tout de même à te reprendre quelques leçons de vie au passage.

Parce qu'il y a "la vie", et "LA Vie"...

Il y a celle que tu subis, tous les jours, les contraintes, les "il faut", les "je dois", les petites obligations qui font que tu sens parfois de la lourdeur dans ton quotidien.
Il y a les "j'aimerais bien mais", les "un jour, peut-être", les "si je pouvais"...
Et puis, il y a encore les "c'est impossible", ou les "c'est trop compliqué".

Et il y a celle que tu choisis, celle que tu inventes ou réinventes, les "j'y vais !", les "et si.. ?", les "pourquoi pas ?", les "allons-y !"
Oh, évidemment, la couleur de tes lunettes n'empêche pas les coups durs d'arriver, le quotidien de s'installer, certes non. Par contre, ce qu'elle fait, c'est qu'elle les nimbe d'une jolie teinte patinée, leur donnant un éclairage dédié. Et ça, c'est toi qui le fais.
Car cette vie-là, tu peux prendre le temps de la peindre un peu chaque jour de ta couleur préférée. Parce qu'en plus d'avoir des lunettes colorées, tu as aussi un pinceau et une palette à portée de main et toi seul(e) est l'auteur(e) de tes tableaux.
Étonnamment, tu ne te rappelles pas toujours où tu les as rangés, ni même parfois que tu en as.

Et c'est cela, que le Petit Prince m'a rappelé. Il m'a répété qu'il n'est pas dangereux de grandir, non... mais que le danger réside dans l'oubli. L'oubli des étoiles qui brillent toujours dans notre ciel, l'oubli de la candeur, l'oubli de la beauté.
Le danger réside dans l'abandon de son pinceau et de sa palette, dans la croyance qu'on ne peut plus jamais changer de couleur de verres de lunettes...

Si cela arrive, il est alors important d'en prendre conscience et d'aller faire un petit tour dans la salle des couleurs perdues.
Quoi ? Tu sais pas où elle est ? Pffff... Allez, prends ton GPS (Groove Positioning System), et il devrait te montrer le chemin, parce que c'est là que tu trouveras tout ça... Tu sais, là où le boum-boum de la Vie se fait entendre à intervalles réguliers, dans le berceau de tes rêves délaissés. Une fois connecté, il te permettra de te remémorer, et, si tu le souhaites, de choisir, autour de toi, de tout recolorier...


mercredi 12 août 2015

Wall-E





L'homme a-t-il un tel besoin de communiquer qu'il invente non plus des moyens de communication, mais des émetteurs ?

L'autre jour, au détour d'un petit déjeuner dominical qui s'éternisait, mon oreille fut attirée par ce qui se disait à la radio*. Cela traitait de la réussite de la conception d'un robot humanoïde d'1m40, et son "papa" venait parler de lui et de ses compétences.

A quoi est destiné ce robot ? A devenir le compagnon servile de l'homme, le domestique parfait, l'ange gardien de rêve.
Ce robot a des capacités étonnantes, dont celle de communiquer, répondre à des questions simples, limite être empathique. Une de ses destinations est de devenir le compagnon de personnes en état de dépendance (personnes âgées ou en situation de handicap...), et de les servir au quotidien (chercher des objets dans l'appartement, rappeler des rendez-vous ou encore suggérer à la personne d'appeler ses proches - ceux qu'il remplace, peut-être...). Cela dit, à l'instar de la télécommande initialement conçue pour des personnes étant dans l'incapacité de se déplacer, ce robot est destiné à être un jour à la disposition de tous...

A l'écouter, j'ai plongé dans un monde qui m'en a étrangement rappelé un autre...
Et là, paf ! Je me rappelle ! Wall-E !! Ca me rappelle Wall-E, ce gentil robot compacteur de déchets métalliques qui ramène l'humanité sur sa planète originelle !
Cela dit, en écoutant l'émission, ce qui me sautait aux oreilles n'était pas ce dénouement heureux de recolonisation de notre berceau natal, non, pas vraiement. La clochette tintait plutôt par rapport au début de l'histoire, celle qui pourrait bien être la fin de la nôtre...

Parce que voilà. Je suis loin d'être anti-progrès, la preuve, les nouvelles technologies font partie de ma vie, j'écris via un ordinateur, mon smartphone ne me quitte pas et j'adore courir avec mon Ipod... Et en même temps, je commence à flipper sur la tournure que prennent les choses depuis quelques années. Aujourd'hui, il est clair que l'homme est en train de se tirer une balle dans le pied.
Certes, on le sait depuis longtemps, mais là, ça devient presque Kafkaïen... On se retrouve désormais à inventer des substituts à des choses qui existent et qui, du coup, vont disparaître à cause de la mise en place dudit substitut... tu me suis ? Bon.

Donc, on invente des trucs qui t'assistent au quotidien, on automatise un max tous les objets qui t'entourent, et non seulement on te fait payer le coût du progrès, mais en plus, tu n'as plus la possibilité de les réparer s'ils tombent en panne : trop complexes. En gros, on te rend dépendant et consommateur.

Donc, en 2015, à l'heure où l'humanité croît à une vitesse vertigineuse, où le manque d'emplois fleurit à chaque coin d'ordinateur là où normalement chacun pourrait trouver sa place et son rôle, on préfère, au lieu d'aider à un développement dans ce sens, accueillir le robot qu'on appellera Marie-Philomène en souvenir à la tata éponyme qui s'occupait si bien de tout le monde, et on va se passer des services de ces personnes qui venaient si volontiers s'occuper de tonton Eustache qui n'a plus toute sa tête, ni toutes ses jambes. C'est à se marcher sur la tête...

Donc, le robot lui dira quel temps il fait, lui demandera comment il va, et lui rappellera qu'il faut appeler Robert, parce que ça fait bien 3 semaines qu'il n'a pas donné de nouvelles, ce fils indigne... Quelle ironie !
Mais de toute façon, Robert ne répondra pas parce qu'il sait son papounet entre de bonnes "mains", lui qui n'aspire qu'à son bonheur...

Et au nom du progrès, on communique par écrit quand on est à 20m de son interlocuteur et on se plaint du stress qu'engendrent trop de messages dans sa boîte mail, on prend l'ascenseur pour 1 étage et on se plaint de ne pas faire assez d'exercice, on s'en remet à internet pour résoudre tous ses problèmes de solitude sans sortir de chez soi, et on s'étonne de se sentir de plus en plus déprimé.

Au vu de l'inéluctabilité du truc, et donc, au nom du progrès, j'espère bien qu'un jour quelqu'un va développer un programme avec de l'amour à l'intérieur, parce qu'à force de ne plus s'en donner en vrai et en direct, l'humain va sécher comme une branche tombée au pied de son propre arbre, sciée par elle-même, et je suis certaine qu'on se demandera encore pourquoi.




*France Inter, si tu veux savoir, et c'était le 28/06 à 10h au cas où tu aimerais écouter l'émission en question

dimanche 9 août 2015

Logo-Rallye 14 : L'accord






La suite de nos aventures (texte précédent : Scène de ménage) a été écrite d'après les mots proposés suivants : Taboulé, Bottleneck, Mouche, Scrofuleux, Coquillages, Eclair, Vacances, Mi-molle, Cyphose, Eczéma, Samarcande, Rubis.



Célestine ne parut pas entendre cette dernière phrase. Au moment-même où Jean-Philémon lui déclarait sa flamme, un cri rauque s'était fait entendre du côté de Grxz. Il venait de se recroqueviller d'un coup et tout son corps se couvrit d'une sorte d'eczéma rosacé purulent. Il était parfaitement répugnant et il fallait avoir l'estomac bien accroché pour le regarder.
Cela rappela à Jean-Philémon ce mendiant scrofuleux qu'il avait croisé à Samarcande lors d'une expédition ouzbèke quelques années auparavant. A l'époque, il avait failli vomir son taboulé, mais comme là, il n'avait plus rien à vomir, il fut plus serein. Cela dit, à ce sujet seulement. Parce que pour le reste, Grxz venait tout de même d'anéantir sa déclaration. Rien que pour cela, il lui donna un coup de pied rageur au niveau de la cyphose sacral. Coup certes gratuit mais ô combien défoulant !

- Mieux vaut tard que jamais, hein... dit-il à la pauvre créature boursouflée.

Il fut étonné de l'accueil qu'avait reçu son pied : la texture qu'il avait heurtée semblait bizarre... Pas comme un dos normal, avec la structure osseuse qu'il se doit et tutti cuanti, non, mais plutôt une masse mi-molle qui avait semblé amortir le choc.

A ce constat, Célestine fut de nouveau partagée entre le dégoût et la pitié. Elle s'accroupit près de la créature, tout en restant sur ses gardes et en mettant sur son nez le mouchoir décoré de coquillages qu'elle trouva dans son sac, pour se protéger des odeurs qui se dégageaient du corps devant elle.

- Ecoutez, lui dit-elle doucement, nous ne vous voulons pas de mal. Nous vous promettons de ne rien tenter, voire de vous protéger, si vous pouvez nous promettre que vous ne ferez pas de mal à une mouche. Vous me comprenez ?

La créature se tourna et la regarda piteusement avec des yeux couleur rubis. Il était vraiment difficile à regarder.

- Gklampds...
- Mince, il ne parle pas notre langue, j'aurais dû m'en douter...
- Zi Zi, ai ai ud du al a a i u er... 
- Jean-Phil ! Vous entendez, il essaie de nous parler !
- Voui, ma mie ! Quel est-donc cet idiome inconnu ?
- and e ai eau, gauz anzai !
- JE NE VOUS COM-PRENDS PAS ! articula Jean-Philémon en appuyant bien sur les syllabes et en parlant bien fort.
- Ui ba zour ! grogna Grxz en enfilant ses deux index filiformes dans ce qui semblait lui servir d'oreilles. Il tenta de s'asseoir et se massa la mâchoire. Je... dis gue... ai du bal a a-diguler...
- Ca ressemble à notre langue !!! sursauta Célestine.
- Que disiez-vous, Mons... euh... Vous pouvez répeter ?
- Je disais... "j'ai du mal à articuler", "bande de blaireaux, j'cause français" et "chuis pas sourd" !, répéta Grxz calmement et en prenant soin d'articuler pour être compris. Non seulement sa mâchoire se rétablissait en un éclair mais les scrofules semblaient s'estomper...

Jean-Philémon en était comme deux ronds de flan. Il ne trouva rien à dire.
- Et chuis ok avec vot' deal si vous arrêtez de m'envoyer vos trucs dégueux dans le bottleneck, ça m'fera des vacances !

- Incroyable ! parvint à murmurer Célestine. Il parle même l'argot...

- Ouais, bon, ça va, la greluche, tu vas t'en r'mettre !

Célestine se redressa d'un bond et failli lui envoyer de nouveau un coup de sac dans l'abdomen. Elle se retint in extremis, au nom de l'accord qui venait juste d'être passé.

- Vous parlez très bien, en effet... Evitez seulement de m'appeler une nouvelle fois comme ça ou je me ferai un plaisir de rompre le deal en vous en remettant une bien placée... dit-elle la mâchoire serrée par l'énervement.






Et la suite ?

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