vendredi 23 octobre 2015

Le quotidien coloré d'une mastectomisée


Parce que je vois souvent l'incompréhension dans tes prunelles quand tu me vois arborer une poitrine de déesse qui te laisse penser que "non, yé né pas changé", et parce que certains m'ont clairement demandé comment ça se passait, les dessous du bazar, ce soir, je me suis écriée : "Rosemonde, pourquoi tu écrirais pas un p'tit billet là-dessus histoire d'éclairer un peu leur lanterne à ceux qui sont dans l'obscurité ?", suivi d'un "Ma chérie d'amour, et si tu leur décrivais un peu de ton quotidien, en ce mois d'octobre rose dédié ?". Comme je suis au bord de l'évanouissement et que je ne sais pas me résister quand je m'appelle "Rosemonde" ou "ma chérie d'amour", et ma dignité n'étant plus qu'une histoire ancienne, ben voilà, je vais tout te dire ici et là, je vais tout te dévoiler sur les dessous d'Abra.

Quand tu as subi une mastectomie (ablation du sein pour ceux qui ne connaissent pas), il t'arrive des trucs assez rigolos... en tout cas, quand tu arrives à te marrer avec, parce que tu as beau avoir un bon sens de l'humour, il se peut que tu ne te marres parfois qu'à retardement.
Si tu as le bonheur de ne pas savoir ce que c'est, je vais te raconter. Si au contraire tu sais de quoi je cause, y a des trucs qui devraient te parler...

Commençons donc par le début.

La mastectomie, c'est un peu "un seul sein vous manque et tout est désaxé", parce qu'évidemment, le corps humain, pour ses extérieurs, est quand même bien basé sur la symétrie. Tout marche par deux ou presque, et quand c'est pas le cas, y a forcément deux trucs qui vont avec (oui oui, cherche pas trop loin, je suis sûre que tu vas vite trouver... Oui, voilà, le nez... Il a deux narines).
Donc, ben quand on t'enlève un truc que t'as en double, forcément, ça se voit, surtout quand ledit truc s'avère être assez voyant. Bref.


Que se passe-t-il alors ?


Déjà, tu pèses moins lourd. Ca, c'est cool, parce que quand même, ta balance sent bien qu'y a un truc en moins. Après, si elle clignote sur "- fat" (-moins de gras), ça énerve un peu parce que jusque-là tu pouvais encore fantasmer sur le fait que ton nibard n'était pas que de la bonne graisse. Mais bon, allez, chipote pas, c'est toujours 500g de gagnés... 

Ensuite, l'apparence.
Dans l'intimité de ta maison, quand tes proches t'ont déjà vue en pyjama en pilou-pilou et les yeux gonflés le matin au réveil, ça passe assez bien, surtout quand tu as pris le temps d'expliquer à tes marmots que Maman a un nouveau look qui lui aurait permis dans une autre dimension et un autre temps de faire une tireuse-à-l'arc de ouf. En tout cas, au début ça fait bizarre et si tu es une maniaque de la symétrie, forcément, ça pique un peu, mais tout le monde s'y fait vite. Moi j'dois dire qu'un truc plat d'un côté et la 1/2 butternut qui pendouille de l'autre, même si ça m'a pas épouvantée, j'ai pas à proprement dit kiffé tout de suite.
Cela dit, j'ai pas non plus detesté, parce que c'était bien la première fois que je pouvais voir que j'avais un pectoral droit plutôt bien dessiné, et une cage thoracique bien harmonieuse. Et sauf quand tu fais un timide 75 A-, ben ça, tu le vois pas...


Le trompe chaland.

Comme tu ne passes pas ta vie chez toi ou parce que tu as des potes qui parfois viennent te voir, difficile de rester comme ça tout le temps. La prothèse est donc ton amie, voire, TES amies. Oué, parce que si possible t'en as plusieurs, c'est comme les chaussures, ça dépend des occasions.

Quand tu sors de l'hosto, tu peux rien mettre d'autre qu'une brassière équipée de poches qui permettent d'y glisser une prothèse en tissu remplie de mousse. A ce moment-là, ton sex-appeal fait un bond de 3m50 (en hauteur ET en longueur) à peine la voit-il, et il se casse rapidos en maugréant que tu ne le reverras pas de sitôt (et il a raison, le bougre, ça fait juste 17 mois que j'arrive pas à remettre le sein dessus). Faut évidemment faire gaffe à la mousse à l'intérieur de ton sein en tissu, une erreur de dosage est si vite arrivée. Tu remplis ce qu'il faut comme il faut pour que tout ait l'air de ni vu ni connu.
Hop, quelques semaines plus tard et une fois que tu maîtrises l'art du camouflage, ta cicatrice te dit que c'est bon, qu'elle va bien, et là tu peux désormais passer à l'artillerie lourde : la prothèse en silicone, celle que tu peux ventouser à ton joli pectoral dénudé.

Là, attention, truc de malade, rendu de ouf, ton sein sain jure par tous les saints.
Le fake boob s'invite à côté de ton gentil nibard qui va bien et le fait se sentir bien vieux et déclinant à côté de sa tenue parfaite même sans avoir à lever les bras. Là, ce n'est plus le dosage qu'il faut maîtriser, mais le positionnement. Un peu plus à droite, hop, on monte un peu, pas troooooop... Top parfait ! Et zou, tu peux même remettre ta lingerie d'avant qui commençait à craindre les mites dans la commode. Alors ça, c'est quand même énorme, parce que même toi tu arrives à te faire avoir, genre tu décroches le soutif en fin de journée et mince, t'avais oublié qu'il était collé, çui-là.
Il est top, donc, mais peut néanmoins te jouer des tours.
Entre autres, comme il se ventouse, ben il craint l'humidité. A priori, humide, tu l'es pas trop sauf quand tu sues comme un candidat de Koh Lanta qui chasse le lézard rachitique en plein cagnard. Or, quand tu désherbes tes rosiers en pleine canicule de mois d'août, tu es non seulement en proie à une sudation extrême, mais en plus, il t'arrive d'être fréquemment penchée en avant pour couper, tailler, arracher. A ce moment là, tu peux soudainement te demander en quoi tu as d'un coup un ganglion énorme qui vient de sortir de ta gorge, surtout que t'en as jamais eu de comme ça. En fonction de la rapidité d'exécution de tes synapses, tu vas comprendre plus ou moins vite qu'en fait, t'as pas les boules (enfin, "la" boule), mais c'est juste que ton nichon s'est fait la malle et qu'il n'est pas encore tombé que grace à la couture du col rond de ton T-shirt. Petit allez-retour orbital de gauche à droite pour voir si des voisins seraient spectateurs, non... hop, on remet tout en place en mode rapido et incognito.
Il est beau il est beau, mais pas vraiment parfait, le salaud...

Et puis il y a le mode plouf. Alors le mode plouf, c'est un truc aéro-dynamo-formé qui peut être glissé dans une poche de maillot de bain fait pour ça (90€ minimum le maillot, oué, le cancer c'est pas qu'en médoc que c'est du business...) et qui laisse passer l'eau entre ta peau et la prothèse sans être trop lourd toussa. Le truc est super bien pensé pour nager. Vraiment top. Bon, par contre, quand t'as fini de nager et que tu te mets les genoux dans le sable pour creuser un tunnel sous la méditerrannée entre la Corse et le continent avec ta Nounette à couettes, ben y a un moment où ton mec te fait sentir par un discret "psssst" que quand tu te baisses, le maillot pèse plus lourd du côté de la prothèse et que conséquemment, ton décolleté se fait assez bizarre pour celui qui regarderait à ce moment-là.

A part ça, c'est absolument fantastique.

Enfin, un truc sympa que ça peut t'apprendre, le sein en moins, c'est la rapidité ou l'improvisation. Par exemple, quand le facteur t'apporte un paquet et sonne alors que t'es encore pas "présentable" et sans personne à mandater pour ouvrir à la porte, ben soit tu t'improvises une écharpe, un gilet, ou n'importe quel truc flou que tu peux vite poser sur tes épaules ou ton cou, soit, telle Usain Bolt, tu te tapes un AR jusqu'à la salle de bains en moins de 10 secondes départ arrêtée et te voilà équilibrée lorsque tu ouvres ta portes, l'air de rien mais un brin essoufflée en essayant de sourire quand même.

Voilà voilà... Tu sais à peu près tout des dessous pas chics d'Abra.

Si tu es sage, une prochaine fois je te raconterai comment on reconstruit un "faux néné avec de la vraie peau" (dixit Nounette à couettes) et comment ça aussi, ça peut être rigolo.

10 commentaires:

  1. Emouvant et drôle... qu'est-ce que j'aimerais te connaître... je te souhaite le meilleur Abra !

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  2. Je rentre juste de la clinique et je suis encore loin d'avoir le recul pour pouvoir en faire rire comme tu le fais. Mais c'est super encourageant de se dire que dans quelque temps, après digestion je suis sure que ça viendra. En tout cas ces situations je ne les ai pas encore vécues mais elles me parlent déjà! Bon courage à toi et merci de nous aider à en rire.

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    1. Hello Véro !
      Contente de te savoir de retour. J'espère que tout s'est bien passé.
      Je te souhaite une belle convalescence. Prends bien le temps d'apprivoiser ton nouveau toi, enveloppe-vous d'amour et de tendresse. C'est la clé ;o)
      Et puis si t'as besoin de tuyaux pour les fake boobs, dis-moi !! ;o)
      Je t'envoie plein de bulles d'amour et d'énergie.

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  3. hé mais nous aussi on peut t appeler Rosemonde ? aller steuuuuuuup' je kiffe le prénom à mort, lourd de sens et pis d actualité et tout et tout. Clovis avait d ailleurs un sobriquet pour sa rosemonde... mais je m égare...
    je reste pantelant d admiration encore une fois et je jette mon mouchoir avec lequel j ai séché mes larmes (de rire notamment ;-)) , pour te dire que t es une sacrée nénette punaise. truc de ouf.

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    1. Alors euh... Rosemonde, ça m'est réservé, tu comprendras que tomber dans les pommes demande un peu de préparation :D
      Siinon, Sacrénénette, ça peut aussi être rigolo ;o)
      Merci Jno <3

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  4. tu ais vraiment une fille fantastique ma petite rosemonde je t'aime

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  5. Tu m épatera tjrs de voir les choses sous cet angle.je suis admirative de ton parcours. Je t embrasse fort ma copine de néné

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    1. A ben tu vois, en plus, ça m'a permis de te connaître !! T'as vu comme c'est cool ? ;o)

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